Deux légitimités qui s’affrontent en silence…
Le passage au flex office, dans beaucoup d’entreprises, est vu comme le corollaire évident du télétravail régulier. S’il semble aussi inévitable, c’est parce qu’il est parfaitement rationnel : une mesure de bon sens pour optimiser l’utilisation des locaux, donc les coûts. Devant tant d’évidence, la tentation est forte de faire l’économie de toute explication, de tout accompagnement auprès des salariés.
Et pourtant, les salariés ne voient pas les choses de la même façon. Toutes les enquêtes menées sur les souhaits des salariés sont unanimes : en moyenne, ceux-ci n’ont envie de travailler ni en open-space, ni, moins-encore en flex-office. La dernière enquête publiée par la Chaire Essec Workplace Management met en lumière le fait que 63% des personnes interrogées préfèrent un bureau fermé, et 4% seulement le flex-office (enquête d’Avril 2021), celui-ci étant vu comme « impersonnel », associé à l’idée d’isolement vis-à-vis des collègues. Or, quand on retourne au bureau après des mois de télétravail contraint, ce qui motive, ce sont avant tout les relations humaines. Du point de vue des employés, avec cette image du flex-office qui divise et isole, il est parfaitement légitime de le désapprouver.
La parenthèse RPS
Dans ses études sur la santé au travail, la DARES (1) suit l’exposition des salariés à 6 grands facteurs de risques psycho-sociaux. Il n’existe pas encore de statistiques officielles sur l’impact du passage au flex-office sur ces différentes facettes, mais il est facile d’imaginer qu’il ne sera pas négligeable sur des facteurs tels que «Intensité du travail et pression temporelle », « Manque d’autonomie », « Demande émotionnelle » (notamment « devoir cacher ses émotions »), « rapports sociaux difficiles » notamment « ne pas avoir le sentiment de faire partie d’une équipe », ou encore « conflits, harcèlement »… Le passage au flex-office peut comporter un risque d’aggravation des RPS, ou au contraire, s’il est mis en œuvre avec conscience, un moyen de les alléger.
Face à ce qui peut apparaître comme une divergence d’intérêts entre employeurs et salariés, la tendance malheureusement est à esquiver le dialogue. Les entreprises savent que leurs salariés ne désirent pas passer en flex-office, et répondent souvent par une fin de non recevoir, en minimisant la portée de ce changement, parfois même avec une tonalité infantilisante : « Vous n’allez pas faire un caprice parce qu’on vous oblige à ranger votre mug dans un casier en partant ! ». (Oui, je sais, je caricature !) Bizarrement, ça ne motive pas les troupes ! Les salariés tendent à prendre au pied de la lettre cette minimisation : expérimenter le flex-office en changeant au minimum leurs habitudes, ce qui revient à n’adopter du flex-office que les inconforts, sans profiter de ses avantages.
Car oui, des avantages, le flex-office peut en avoir pour vos équipes (et pas seulement pour votre portefeuille).
Alors à vous de choisir ! Vous pouvez faire du flex-office, soit une occasion pour votre équipe de se sentir banalisée voire un peu maltraitée, soit une manière de réinventer vos interactions au travail !
En parler !
Certaines équipes ont profité du passage au flex office pour réfléchir à leurs différentes modalités d’interaction. Quels sont les moments où on a besoin d’être ensemble et comment, où… ? Elles ont formalisé différents usages de l’espace et du « voisinage » : travail en mode projet, compagnonnage ponctuel ou durable, avec la possibilité de changer de place plusieurs fois dans une journée, en fonction de ses activités du moment. Être assis dans la disposition qui convient à l’instant t, c’est aussi un moyen d’échanger sans devoir recourir aux réunions qui alourdissent les emplois du temps.
Dans ces équipes, s’installer ici ou là, en fonction de leurs besoins et envies du jour, de la demi-journée, loin d’être une nouvelle contrainte subie à l’occasion d’un cost-cutting, c’est un vrai choix positif, un facteur de plaisir, de créativité et d’efficacité. Certaines entreprises ont même intégré le passage au flex-office dans une démarche d’amélioration continue collaborative, pour éviter les effets de silos, de cloisonnement, améliorer la communication et la formation des équipes.
Pour « Faire vous-même votre malheur » (2) avec le passage au flex-office, c’est facile : il suffit de faire semblant qu’il ne s’est rien passé !
Pourquoi faire référence à Paul Watzalwick pour avancer sur ce sujet ?
- Parce qu’on voit que, sur le flex-office, ce qui fait problème, c’est avant tout la difficulté à réconcilier les visions que chacun en a : un tout petit effort pour les uns, une privation du dernier petit facteur de confort pour les autres. Il « suffirait » d’en avoir une vision partagée pour commencer à résoudre le problème. Et pour ça, la première chose, c’est de s’en parler vraiment, d’arrêter de faire comme si ce n’était qu’un détail.
- Parce que le titre de cet ouvrage (Faites vous-même votre malheur) parodie les recueils de conseils pratiques, de développement personnel ou managérial : or le passage au flex office pour VOTRE équipe ne se règle pas par des conseils génériques. C’est la singularité des relations existantes au sein du « système » (votre équipe) qui détermine les difficultés et/ou les potentiels associés à cette transition. En d’autres termes, plutôt qu’un vademecum « standard » du bon manager ou du bon RH, investissez dans une réflexion en profondeur, et, pourquoi pas, un coaching d’équipe sur mesure.
- Pour le plaisir du paradoxe (ici, un peu provocateur), que nous pratiquons chez Oyaam : Chez Oyaam, nous sommes persuadés qu’ à condition de le traiter comme un changement réel, systémique, le passage au flex-office est porteur de promesses pour votre équipe. Loin de « faire votre malheur », il ne tient qu’à vous de faire en sorte que votre équipe y trouve inspiration, créativité, une expérience féconde de collaboration « sur mesure », un travail moins routinier, moins de réunions, et pourquoi pas plus de plaisir ! Et si besoin, on est là pour vous y aider !
1- DARES – Synthèse Stat’ – Août 2021 – Chiffres clés sur les conditions de travail et la santé au travail. 2- Paul Watzlawick – Editions du Seuil 1994